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En 1976, les Asociaux Associés, emmenés par Philippe Doray (Rotomagus, Ruth, Crash), enregistrent le premier des deux albums qui paraîtront sous leur nom : Ramasse-Miettes Nucléaires. Au synthétiseur, Doray y débite une poésie inquiète sur une pop psychédélique, un rock vaudou, un krautrock excentré, un swing patraque… Mais si sa musique est iconoclaste (qui rappelle autant Hendrix qu’Areski, Ash Ra Tempel que Berrocal…), une chose est sûre : Ramasse-Miettes Nucléaires est l’un des grands disques de chanson obscure et expérimentale jamais enregistrés.
Ce n’est pas un hasard si, dans la Nurse With Wound List que Steven Stapleton a insérée dans le premier disque de son légendaire projet musical, on trouve le nom de Philippe Doray entre ceux des Doo-Dooettes et de Jean Dubuffet : sa musique est bel et bien originale et, plus que ça encore, en avance sur son temps.
Nous sommes en 1977 quand sort, sur Gratte-Ciel (label créé par le journaliste de Rock & Folk : Jean-Marc Bailleux et dirigé par Jean-Marc Patrat et José Serré), le premier album de Philippe Doray : Ramasse-Miettes Nucléaires. Encouragé par sa folle expérience dans Rotomagus, formidable groupe de rock qui remua Rouen, certes, mais pas seulement – puisque Julian Cope lui-même fut touché des années plus tard par ses déflagrations –, Doray emmène sur ce disque une équipée qui, en plus d’être sauvage, est prête à en découdre pour défendre sa terrible (et tremblante) poésie.
Soutenu par ses Asociaux Associés, le Rouennais laisse donc libre cours à sa fantaisie et crie derechef : « Chante avec moi et n’aie pas peur de claquer des mains ! » Et c’est toute la chanson française qui s’en trouve bouleversée : comme la boule du flipper que secoue Doray, elle se cogne à Jimi Hendrix puis à Alain Goraguer, à Ash Ra Tempel puis à Areski, à T-Rex puis à Jac Berrocal…
Pour ce qui est des textes, il n’y a qu’à tendre l’oreille. La poésie de Doray est schizophrène : éclose en campagne normande, elle nous débite des contes paranoïaques qui nous parlent de villes-pièges, de jeans Levis, de Prisunic, de poupées de plastique… Autant de miettes de réalité aspirées pour mieux créer que Souffle Continu et, au mastering, Thierry Müller (Ruth, Crash, et aussi Illitch) vous recrachent cinquante ans plus tard, avec leurs bons souvenirs.