Pour leur première collaboration en duo, plutôt que de succomber à quelque fureur dévastatrice constitutive des musiques dites « noise », Michael Morley (guitare électrique) et Michel Henritzi (lapsteel) ont préféré le grand large, et les paysages intérieurs à l’étrangeté fantomatique qu’on leur associe généralement. À aucun moment, l’émergence d’embryons de mélodies courant sous leurs doigts ne les effraie. Au contraire, elles leur permettent de sonder en profondeur la dimension contemplative et hypnotique de l’écoute, au fil de savants entrelacs de masses sonores constamment en mouvement. Bien qu’ils aient conçu Mirrors à distance l’un de l’autre, il n’en émerge pas moins un fascinant maelström, sculpté au fur et à mesure comme une longue déflagration repartie sur deux faces. La première, sous forme d’effluves, relaie des forces primitives en gestation depuis l’apparition du blues. Tandis que la seconde, majestueuse et dépourvue de toute ostentation, explore une succession de stases qu’elle aurait pu étendre à l’infini, tant la suspension qui en diffère constamment la chute abolit toute notion de temps.
(Philippe Robert)