CD + livret de 60 pages avec photos et textes en français et anglais.
“Kâmakalâ, le triangle des énergies” (1971) pour trois ensembles d’orchestres, cinq groupes de chœurs avec trois chefs d’orchestre. Orchestre et chœur du WDR et Schola Cantorum, Stuttgart. Directions : Michel Tabachnik, Bernhard Kontarsky, Jacques Mercier. Kâmakalâ, mot Sankrit qui signifie le triangle des énergies, se réfère à la philosophie de l’Inde (Shivaïsme Tantrique), et s’exprime ici dans le sens de la manifestation de l’énergie, qui est l’énergie érotique et cosmique (Kama), celle qui permet au Shiva, par son union avec sa Shakti (énergie féminine), de créer toutes les subdivisions de lui-même (Kalâ), et donc de générer progressivement toute la complexité de l’univers. C’est cette idée d’un immense et lent crescendo des nombreux paramètres d’une composition musicale, d’une division et multiplication à l’infini des matériaux qui la constitue qui avait retenu toute l’attention d’Eloy. Il se plaignait, à l’époque, d’une certaine esthétique musicale contemporaine uniquement orientée vers la dissémination rapide de toutes sortes de points en quelques courtes périodes de temps, voire parfois en quelques secondes (pointillisme). Par ce fait, les œuvres se trouvaient condamnées presque fatalement à la brièveté, à ne pas pouvoir tenir le temps, parce que distribuant toute l’énergie sonore dès les premières minutes. Au contraire, Eloy souhaitait une musique dans laquelle l’énergie est retenue, non-disséminée, réservée pour de grands épanouissements ultérieurs ; une musique s’élargissant très lentement, comme cela se pratique dans le Raga Indien. Mais pour une musique restant occidentale et résolument moderne, atonale, athématique.
“Étude III” (1962) pour orchestre, avec piano principal et cinq percussionnistes. Orchestre du SWF, Baden-Baden. Direction : Ernest Bour. Composée en Mai-Juin 1962 à Zurich et Paris, Etude III utilise l’effectif d’un orchestre classique (bois et cuivres par deux) opposé à un ensemble de cinq batteurs, piano, harpe et célesta. Une dialectique se dégage de cette opposition, soulignée par l’écriture et la direction (mesurée pour la masse de l’orchestre, amesurée et par signes pour l’ensemble de premier plan). Les instruments, groupés en familles homogènes de timbres, entrent par paliers irréguliers au cours de la pièce, la totalité de l’effectif n’étant atteinte simultanément que dans les derniers développements. L’utilisation fréquente de très longues durées, liée à la fixité du registre des hauteurs, contribue à faire émerger un phénomène sonore statique qui rappelle certains aspects de la musique orientale : sonorité et emploi du Shô dans le Gagaku Japonais, augmentation lente et longuement étalée de la complexité dans le Raga de l’Inde.
“Fluctuante – Immuable” (1977) pour grand orchestre. Nouvel orchestre philharmonique de Radio France. Direction : Gilbert Amy. Cette œuvre montre clairement l’influence et les transformations que les pratiques électroacoustiques induisent sur les pratiques de l’écriture orchestrale. Parallèlement aux longues productions d’Eloy en électroacoustique, Fluctuante-Immuable suggère une nouvelle approche (théorique et pratique) des problèmes liés à la composition avec des notes. Le problème formel posé au départ est celui d’une dialectique entre Ordre et Désordre (ou entre l’ordre et un chaos organisé) auquel s’ajoute le problème de la relation entre le chef et son orchestre (techniques de synchronisation ou désynchronisation avec la masse des musiciens).